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Après dissipation des brumes...
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4 janvier 2006

Pressurisation

Pour être vraiment précis, ma décision de tenir cette chronique a largement été motivée par les premières heures passées dans mon caisson de décompression. Pourquoi ? Parce que pour l’irréductible nicotinomane que j’étais (et suis encore), les premiers effets du timbre transdermique ont été immédiats et, honnêtement, spectaculaires.

Il faut comprendre qu’un gros fumeur rêve par définition de pouvoir arrêter. Jamais il ne l’avouera, même (et surtout) à lui-même, mais il sait qu’il est captif, prisonnier corps et âme d’une dynamique sur laquelle il n’a plus prise depuis longtemps.

Ainsi, cent fois, mille fois, j’ai caressé ce fantasme impossible qu’est l’idée d’écraser une clope fraîchement consumée, pareille à toutes les autres, en ayant la certitude absolue et rassurante que c’est la dernière de toutes. Mille fois, j’ai écrasé cette dernière clope en me disant que la réalisation de ce rêve ne dépendait que de moi, que je n’avais qu’à me maintenir dans cet état de satiété tabagique que l’on ressent lorsque le mégot que l’on vient d’écraser agonise encore dans son cendrier. Mille fois, j’ai ressenti les premiers élans d’envie de fumer dans l’heure qui a suivi.

Sur ces mille premiers élans, j’ai immédiatement capitulé 900 fois. Et sur les 100 batailles que j’ai décidé de livrer, mes armées de volonté, de résolution et de courage finissaient vaincues, décimées, humiliées, pathétiques. Généralement en moins de quatre heures.

Je ne connais pas un seul fumeur normalement constitué qui n’ait pas profondément envie de ne plus fumer. C’est juste le fait d’arrêter qui pose problème. Etre non fumeur et arrêter de fumer ne sont pas synonymes. Parce que dans la mémoire du fumeur dépendant comme de l’ex-fumeur, le vertige nicotinique de la première bouffée après une longue abstinence sera toujours le souvenir d’un vide insupportable parfaitement comblé. Ce shoot, rien ne le remplacera, jamais. Même quand on n’en ressent pas le besoin viscéral, son souvenir nous hante.

Mais revenons-en à la dernière après-midi de 2005. La pose de mon substitut nicotinique avait eu lieu, on s’en souvient, vers midi. A treize heures, les neuf membres de la famille élargie passaient à table pour un déjeuner qui, à défaut d’être proprement festif, avait tout de même pour vocation de sortir de l’ordinaire et pour particularité d’être fort bon. Une heure et demie plus tard, en sirotant un espresso bienvenu, je réalisai que quelque chose manquait au tableau : l’envie irrépressible de me glisser hors de cette maison d’abstinents pour, dans la solitude d’une journée hivernale dans le Pas-de-Calais, m’en allumer une tranquillement tandis que la pluie, toujours propulsée à l’horizontale par un vent d’ouest de force 7, s’insinuerait implacablement sous le col de ma parka, dans mes poches et à l’intérieur de mes Timberland® dont les lacets, dans la précipitation de ma fuite, seraient restés ouverts.

Que le lecteur se rassure, l’envie était toujours là. Mais elle n’était rien d’autre que cela : un concept, une abstraction, pas plus tangible que l’envie que j’aurais pu avoir, en ce jour de décembre, de me trouver sur une plage aux Seychelles ou de godiller au soleil sur les versants neigeux de Gstaad. Une simple envie, on peut la caresser, la tripoter, jouer avec le temps qu’on veut : elle reste inoffensive. Mais pas une envie de clope. Pas pour moi. Pourtant, cet après-midi-là, c’est précisément ce que je ressentais. Je pouvais identifier l’idée d’aller fumer, en parler librement avec la meilleure de toutes les compagnes, en rire un peu puis la mettre de côté pour m’intéresser à autre chose (l’idée, pas la compagne). En un mot, ma dépendance avait rétrogradé au rang de simple envie. Je n’oublierai jamais le moment où, jouant avec ma tasse à café vide, je m’en suis pleinement rendu compte. J’ai connu peu de sensations de libération plus jubilatoires.

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Commentaires
S
Baaah... cépafo :)
E
C'était du sauté de porc.<br /> Tu serais sorti t'intoxiquer même à la Nouvelle Orléans genre "bah, Katrina, en fait, c'est une grosse bourrasque" alors que je ne suis pas sûre que tu voudrais encore sortir dans notre cour aujourd'hui ( sous les loc. givrants ) juste pour assouvir ce vice.<br /> Non?
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